Vie Sauvage, Chemin de Croix : des chocs de cinéma

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Alors que les unes des journaux et des magazines consacrées à Mommy et à Bande de Filles commencent à prendre la poussière dans mes toilettes, il est temps de repasser aux choses sérieuses, c’est à dire de parler de mes chocs de cinéma dans ces colonnes. Entendons-nous : j’ai aimé Mommy (et j’irai sûrement voir Bande de Filles), mais je n’ai pas eu un choc émotionnel et esthétique quand je l’ai vu. Alors que pour Vie sauvage et Chemin de Croix, c’est une toute autre histoire.

Le premier choc, donc, c’est Vie Sauvage, de Cédric Kahn. Aujourd’hui dans sa maturité de cinéaste, Kahn a jeté son dévolu sur une histoire peu commune, celle des frères Fourtin, enlevés par leur père à l’âge de 7 et 8 ans, et vivant avec ce dernier une vie nomade et clandestine pendant une dizaine d’années jusqu’en 2009, date à laquelle ils furent restitués à leur mère. Traversé par une tension dramatique ininterrompue –qui fait écho à la cavale des trois protagonistes- le film est remarquable à bien des égards. D’abord une écriture fine et juste, plaçant le regard du spectateur à hauteur d’enfants et s’abstenant habilement de juger les parents, les laissant se déchirer dans une bataille judiciaire, laquelle sévit à l’écran comme à la ville, d’ailleurs. Ensuite une mise en scène astucieuse et sobre, aussi à l’aise dans l’intimité parfois violente d’une famille que les scènes de fête cathartiques ou le dénuement absolu dans la nature. Enfin, l’interprétation impeccable de Mathieu Kassovitz, Céline Salette bien sûr mais aussi des deux enfants puis adolescents incarnant Tsali et Okyesa, les deux enfants du couple et d’une foule de seconds rôles qui donnent vie et chair à ce film puissant et dépouillé.

Vie sauvage de Cédric Kahn avec mathieu Kassovitz et Céline Sallette, France 2014, 1h46 en salles depuis le 29 octobre 2014

Deuxième choc, deuxième film à voir en ce moment : Chemin de Croix, de Dietrich Brüggemann. J’allais écrire « du réalisateur allemand Dietrich Brüggemann » mais la précision est inutile, tant le film est représentatif de ce que le cinéma allemand a de meilleur, notamment ce revival assez ahurissant que le traverse depuis une dizaine d’années. Chemin de Croix est donc en treize tableaux (forcément), plans fixes millimétrés et audacieux, le parcours d’une jeune fille de 14 ans, Maria, qui n’aspire qu’à une chose : devenir une sainte. Du même coup, le film nous plonge violemment au cœur d’une communauté catholique fondamentaliste et ultra-conservatrice. L’ambition de Maria l’isole peu à peu du monde qu’il s’agisse des quelques contacts qu’elle pouvait avoir avec d’autres adolescents, extérieurs à sa secte, ou même bientôt de sa propre famille. Tendu, précis, presque chirurgical dans sa mise en scène qui appuie là où ça fait mal, Chemin de Croix est une expérience de cinéma peu commun en même temps qu’une réflexion fine sur le sens de la vie et sur la place de la religion dans l’éducation, avec une portée universelle et intemporelle.

Chemin de Croix de Dietrich Brüggemann, avec Lea van Acken. Allemagne, 2013, 1h47 en salles depuis le 29 octobre
Voilà. Vous me connaissez, je suis tolérante, je ne vous interdis pas d’aller voir le reste. Mais ces deux-là, franchement ne les ratez pas, ce serait dommage.

Publié par Valerie Boas

Parisienne, cinéphile et polyglotte. Je blogue depuis 2011, surtout sur sur le cinéma indépendant et aussi parfois sur d’autres sujets liés à la culture, ou non. En 2019, je prends une résolution: donner chaque semaine un conseil cinéma. Plutôt le jeudi soir, histoire de pouvoir s’organiser pour le week-end. Alors... “stay tuned” comme on dit au cinema

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